Comprendre les conflits sur les territoires, quand l’Ifrée et l’AELB se forment ensemble

Le partenariat entre l’Ifrée et l’Agence de l’eau Loire-Bretagne (AELB) est ancien et solide. Au-delà des conventions qui nous unissent, nous discutons régulièrement de l’intérêt des sujets à investir, du type d’actions à développer. Les besoins et les expertises de chacun se combinent pour imaginer ensemble un programme d’actions pertinent. Dans nos échanges, il nous arrive de pointer des sujets qui gagneraient à être investigués plus largement. La question des conflits environnementaux sur les territoires en fait partie et l’idée nous est venue cette année de faire profiter à nos équipes d’un temps de co-formation sur ce sujet pour mieux identifier ensemble les actions à mettre en place par la suite.

C’est ainsi qu’à la mi-septembre 2024, les deux équipes de la délégation Poitou Limousin de l’AELB et de l’Ifrée se sont retrouvées pour un temps d’interconnaissance suivi d’une conférence sur la question des conflits et d’un travail de groupe autour de la consigne : « Qu’est-ce que cela nous aide à voir, à comprendre des situations de conflits sur nos territoires ? Qu’est-ce qu’on en retient, qu’est-ce que cela nous donne comme perspectives de travail Ifrée / AELB ? »

La conférence présentée par Philippe Subra, professeur émérite de l’université Paris VIII, ancien directeur de l’Institut français de géopolitique, s’intitulait « Géopolitique des conflits d’aménagement et transition écologique ».

Elle nous a permis de remettre la conflictualité des projets dans une perspective historique, montrant comment celle-ci s’était étendue avec la fin de la période de développement considéré comme légitime du territoire, quand les besoins principaux d’aménagements sont satisfaits (les zones enclavées ont fortement diminué) et avec une crise de la légitimité politique (scandale du nuage de Tchernobyl, du sang contaminé…) et une crise économique et écologique, en différentes étapes au cours des années (quelques conflits emblématiques / années 1970, nombreux conflits régionaux / années 1980, généralisation de la contestation / années 1990). Il a également montré l’importance de la constitution d’un acteur de la contestation avec la montée en puissance de la classe moyenne qui a de fortes valeurs écologiques et la capacité (en termes de temps et de compétences) à rentrer dans la complexité des dossiers pour défendre ses positions.

Après cette mise en perspective historique, le géopolitologue a abordé la dynamique et l’intensité des conflits, leurs facteurs d’émergence (le potentiel conflictuel n’est pas le même sur tous les territoires, mais il n’est pas toujours prévisible car certaines dynamiques sont déterritorialisées), etc.

Il nous a donc permis de comprendre pourquoi le « risque de conflit », même si le conflit n’est pas la situation majoritaire face à un projet d’aménagement, est aujourd’hui une donnée qui influe sur la posture du porteur de projet (recherche d’une solution la plus acceptable possible, effort de communication, voire co-construction quand elle est possible et souhaitée). Il a également éclairé les stratégies de résistance et l’utilisation de la violence par les différentes parties en présence, la radicalisation des opposants et de l’Etat, et jusqu’à l’avènement récent de mouvements "d’opposants aux opposants" avec la montée actuelle de la contestation des politiques de protection de l’environnement (retour d’espèces sauvages, développement d’énergies renouvelables…).

Les échanges qui ont suivi lui ont permis de souligner que le conflit n’est pas mauvais en soi, en effet il est même intéressant de pouvoir mettre à plat les positions divergentes des acteurs pour mieux les comprendre, mais que le rôle de la démocratie est sans doute de réduire la violence du conflit (éviter la guerre). Dès lors le dialogue est-il utile ? C’est l’analyse de la situation, du projet et des rapports de force qui permet de répondre à cette question. L’enjeu se situe souvent dans la possibilité d’un débat organisé ou promu par les élus pour articuler le projet avec un projet de territoire plus général.    

 

Des apports et des échanges qui ont largement fait écho avec nos pratiques et nous ont permis de co-construire entre Ifrée et AELB des pistes d’actions ancrées dans les enjeux de territoire actuels avec un éclairage plus fin sur les mécanismes en jeu entre les acteurs.

 

Pour en savoir plus sur les conflits, voici quelques ouvrages publiés par Philippe Subra sur le sujet :

Philippe Subra, Géopolitique de l’aménagement du territoire, Paris, Armand Colin, 2007 (nouvelle édition automne 2012) ;

Philippe Subra, Zones à défendre. De Sivens à Notre-Dame-des-Landes, Éditions de l'Aube, 2016 ;

et le récent numéro de la revue Hérodote « Géopolitique du dérèglement climatique en France et en Europe ».

 

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