Sélectionner des témoignages éclairants, rencontrer les intervenants en amont, instaurer un climat de confiance au moment des échanges, aller chercher les informations clés quand elles ne viennent pas spontanément, traduire les paroles trop techniques pour le public… c’est pour toutes ces compétences que l’Agglomération de La Rochelle a sollicité l’Ifrée pour préparer et animer une table ronde sur la question agricole.
Le contexte ?
Le Conseil de Développement 100 % citoyen de l’agglomération s’est autosaisi de la question : « Comment l’agglo de La Rochelle peut-elle agir sur la mutation des pratiques agricoles afin de favoriser une agriculture moins utilisatrice d’intrants ? »
Après de nombreuses auditions d’experts, d’élus, des visites de sites, etc., les citoyens-conseillers ont voulu entendre le vécu des agriculteurs.
Marie Eraud, chargée de mission dispositifs participatifs à l’Ifrée, est venue appuyer Marianne Juin, Margaux Lambert et Lucile Fouquet de l’équipe PACT (Participation et Accompagnement des citoyens dans les transitions) de l’agglo pour ce temps d’échange, en prenant en charge la préparation et l’animation de la plénière. Quatre pôles ont ensuite permis aux citoyens d’échanger en petits groupes avec chaque agriculteur.
L’objectif ?
Permettre aux membres du Codev (conseil de développement) de mieux comprendre ce qui se passe du côté des agriculteurs pour pouvoir consolider, ré-interroger ou amender l’avis qu’ils préparent, en lien avec le champ de compétence de l’agglo.
Le contenu ?
Quatre agriculteurs, illustrant une diversité de pratiques (agriculture conventionnelle, biologique, de conservation des sols et pratique mixte) ont retracé leur histoire professionnelle (passée, actuelle, future), les choix qu’ils ont eu à faire ou qu’ils sont en train de mûrir sur la question des intrants.
Ils ont permis aux citoyens d’accéder aux coulisses de leurs prises de décision. Chacun a expliqué sa stratégie, ses essais, ses retours en arrière parfois, ses difficultés, ce qui était important pour lui dans ses choix. Ils ont parfois exprimé le sentiment d’être dans des impasses techniques, de devoir penser un nouveau métier dans un cadre qui n’existe pas encore. La question de l’accès à l’eau est centrale bien sûr, mais il y a aussi celle de la perte de terres agricoles du fait de l’urbanisation, qui peut faire diminuer la taille des exploitations et leur rentabilité. Au-delà des aspects techniques et des aléas climatiques et financiers avec lesquels il faut composer (rentabilité des filières, amortissement des investissements), la complexité est aussi dans l’humain. C’est un métier où la question de la transmission familiale est centrale et tous n’ont pas la même marge de manœuvre par rapport au modèle dont ils héritent, avec parfois une longue cohabitation parents-enfant, ou qu’ils transmettent.
A travers leurs récits, qui courraient parfois sur plusieurs générations, c’est un morceau de la grande histoire qu’on a pu entendre : abandon de l’atelier élevage, agrandissement de l’exploitation, arrivée de l’irrigation, diversification des cultures et des activités (entrepreneur, méthanisation…), évolution des pratiques (travail du sol, conversion…).
Cette table ronde a permis aux citoyens de dépasser les évidences à travers des cas réels et humainement incarnés. Cette compréhension de la complexité des systèmes agricoles devrait leur permettre de rédiger un avis en phase avec la réalité du terrain.
C’est la combinaison de la volonté du conseil citoyen, soutenue par l’agglomération, de réinstaurer le dialogue et du savoir-faire de l’animatrice au niveau du travail préparatoire et de la menée de l’animation qui ouvrent finalement la possibilité d’échanges sincères où l’envie de compréhension prend le dessus sur les jugements de valeurs.